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Les Grecs enfouissaient des fèves des marais ; les Romains cultivaient le haricot et le lupin pour amender le sol ; les Chinois connaissaient la valeur fertilisante du gazon et des adventices [1]. La culture d’engrais vert ne date pas d’hier. Formidable pour améliorer la fertilité des sols, une utilisation intensive des engrais verts peut même éliminer le besoin d’importer des fertilisants (compost, fumier, farines animales). D’ailleurs, le terme anglais « green manure » est très révélateur puisque s’il signifie littéralement « fumier vert ».
Très simplement, les engrais verts sont des plantes que l’on fait pousser en vue de les détruire. Cela peut paraître étrange, mais pas pour l’initié :
Toute plante peut être utilisée pour remplir la fonction d’engrais vert, que ce soit des plants de légumes en trop dans le jardin, des semences non utilisées ou trop vieilles. Même les adventices que l’on fait germer en remuant le sol auront un effet bénéfique si on les détruits avant la floraison. Néanmoins, certaines plantes que l’on trouve chez les grainetiers, les centres de jardin ou dans les coopératives agricoles ont des impacts plus marqués.
Les graminées (seigle, avoine, ray-grass, millet japonais, sorgho, sarrasin) s’établissent rapidement et vigoureusement. Leur système racinaire fasciculé (ayant nombre de ramifications dans les premiers centimètres du sol) absorbe rapidement les nutriments et favorise la formation d’une structure grumeleuse. Elles peuvent s’implanter plus tard à l’automne (15 septembre dans le cas du Seigle).
Les légumineuses (trèfle, luzerne, mélilot) peuvent fixer jusqu’à 150 kg/ha d’azote grâce à des bactéries (rhizobium) associées à leurs racines. Un engrais vert de légumineuses produisant 3000 kg/ha contient environ 90 kg d’azote, dont un pourcentage allant jusqu’à 90% provient de la fixation symbiotique (CPVQ 2000). Il faut toutefois inoculer les semences pour s’assurer de la présence des bactéries.
Les crucifères (moutarde blanche, vesce velue, féverole, radis fourrager, colza) sont vigoureuses et produisent une forte biomasse. Elles poussent plus longtemps à l’automne, mais doivent être implantées avant le 25 août.
Parmi les autres espèces populaires, la phacélie, plante mellifère très prisée des pollinisateurs, permet de diversifier la rotation (famille deshydrophylacées).
Les vivaces (trèfle rouge, mélilot, seigle d’automne) ont l’avantage de survivre à l’hiver. Elles repoussent avec une longueur d’avance au printemps et ont donc le temps de développer un système racinaire profond pouvant remonter les nutriments à la surface. Favorisant la décompaction des sols, elles permettent de garder active la faune et la flore du sol toute l’année.
Les mélanges d’espèces permettent de conjuguer les bénéfices de plusieurs plantes. Dans un mélange graminée-légumineuse, la graminée puisera rapidement l’azote du sol, forçant la légumineuse à en fixer davantage pour répondre à ses propres besoins. Les mélanges permettent aussi de prolonger la saison de croissance, comme un sarrasin en fin d’été associé à une crucifère. Celle-ci continuera à croître après la destruction du sarrasin dès le premier gel.
On peut les introduire dans le système de culture de plusieurs façons :
L’implantation :
L’enfouissement
Pour mettre un sol en culture ou lutter contre les infestations d’adventices, on peut utiliser un engrais vert de sarrasin. Précédé d’une jachère en juin, le sarrasin sera enfoui en juillet après 5 à 6 semaines de croissance. On pourra ensuite semer un engrais vert de seigle d’automne. Cette méthode a démontré son efficacité pour et permet aussi de connaître l’état du terrain lorsqu’on observe la croissance des plantes : endroits plus fertiles, plus pauvres ou plus humides.
Finalement, même si l’implantation d’un engrais semble occasionner quelques charges supplémentaires, on y gagne sur toute la ligne en réduisant les besoins en intrants (retient les éléments nutritifs, introduit de l’azote par la fixation, rend soluble des minéraux). Sans compter l’amélioration du rendement résultant de l’amélioration de la structure et de l’état général du sol. Alors comme le dit Iain Tolhurst [2], « la question n’est pas de rapporter suffisamment de nutriments dans les champs, mais plutôt d’éviter de perdre ceux déjà présents. » Et les engrais verts remplissent à merveille cette fonction.
L’importance des prairies
Par leur diversité biologique et l’abondance de racines plus âgées, les prairies ou engrais verts de longue durée (plus d’un an) créent une litière (« couenne ») précurseur d’humus stable. Elles rendent disponible de nouveaux éléments nutritifs et fixent une grande quantité d’azote : jusqu’à 203 kg/ha dans un mélange d’avoine, dactyle, brome, fétuque et trèfle [3].
En effet, les engrais verts de courtes durées se décomposent très rapidement favorisant la vie et la minéralisation, mais n’accumulent pas de la matière organique dans le sol. Seules les matières ligneuses ont cette propriété (décomposition par basidiomycètes). Alors d’ici à ce que le bois raméal fragmenté devienne plus accessible, les prairies représentent la principale alternative si l’on veut entretenir nos sols sans brûler notre capital agricole et sans importer le capital d’un autre agriculteur (ex. fumier ou compost produit à l’extérieur de l’entreprise).
CPVQ. « Engrais verts et cultures intercalaires. » dans Guide des pratiques de conservation en grandes cultures. Québec, 2000.
LAFRANCE, Denis. « Les engrais verts et la gestion des mauvaises herbes en culture maraîchère » dans La culture des légumes.
[1] WARMAN, P. Prof. « Principes fondamentaux de la culture d’engrais vert », Ressources du sol et de la terre, Ministère des ressources renouvelables. 1981.
[2] Première ferme maraîchère certifiée « biologique sans bétails » en Angleterre et reposant toute sa fertilisation sur les engrais verts.
[3] La France, Maynard et Laverdière Recherche sur l’intensification des engrais verts en culture maraîchère (rapport en préparation).